Une réalistation de Christian Budendorf sur le Jason de JMW....tout un programme

Par Christian Budendorf

Et voilà ! C’est donc par une brumeuse soirée d’octobre que le JASON A218 a atterri chez moi afin de se refaire (peut-être !) une nouvelle jeunesse.

L’histoire avait très précisément commencé à l’occasion d’une ballade sur le forum de Haute-Fidélité.com au cours de laquelle mon intérêt fut capté par le message de JMW cherchant un volontaire pour jeter un oeil sur son vieux JASON qui donnait de sérieux signes de faiblesse. Je ne sais encore pour quelle raison ma souris se dirigea brutalement de manière incontrôlée vers la case fatidique " reply " pour porter à la connaissance de tous ma candidature. Mais le mal était fait et cette dernière se trouvant avoir été acceptée j’ai parallèlement pensé qu’il pourrait s’avérer intéressant de publier sur le site le long processus de restauration qui allait débuter sous forme de reportage en " direct live ".

Nous voilà donc prêt pour le premier épisode !

Il est tout d’abord nécessaire de " s’approprier " l’appareil, d’apprendre à le connaître pour mieux le " sentir ". En effet le but du jeu n’est pas un simple, rapide ... et éphémère dépannage. Il s’agit de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour lui insuffler une nouvelle vie avec un potentiel de longévité important. Une telle démarche ne saurait être commerciale car dépassant dans ce cas très largement la valeur de l’appareil. Par contre, pour qui a un minimum de notions dans le domaine de l’électronique audio doublé d’un peu de bon sens et de beaucoup de patience et de soin, il est tout a fait possible et gratifiant de mener à bien une telle opération.


Commençons donc par observer notre cobaye ! Extérieurement il accuse irrémédiablement le poids des ans mais il semble ne pas avoir particulièrement souffert sur le plan mécanique (pas de traces de chute ou chocs). Il manque le bouton du commutateur de sources (usage intensif ayant provoqué sa perte ?) D’autres boutons ont déjà été remplacés par des modèles plus récents. Ces observations sont à priori le signe d’une utilisation régulière et probablement intensive.

Poursuivons notre inspection par l’ouverture de l’appareil. A partir de ce stade il est absolument indispensable de mettre en pratique l’une des bonnes résolutions évoquées précédemment à savoir le soin. Les vis de fixation des éléments déposés sont emballées dans des petits sachets en plastique sur lesquels est noté à l’aide d’un feutre indélébile leur origine. Cette méthode sera bien utile lors du remontage qui ne sera peut-être effectué que dans quelques mois et évitera de se retrouver avec " plein de trucs en trop " !!!


La tôle faisant office de fond étant retirée, nous jetons un coup d’oeil attentif à l’intérieur. On y découvre les principaux éléments constituant l’intégré dont la partie alimentation à gauche, l’une des platines de la section préamplificatrice en bas et les deux circuits imprimés supportant les amplificateurs de puissance. Les composants visibles et le mode de montage nous ramène une bonne trentaine d’années en arrière ! Il faut prendre le temps de regarder minutieusement toutes les parties de l’appareil dans le but de " traquer " le moindre élément visuel qui pourrait trahir un défaut ou une panne potentielle. Il s’agit également de vérifier tout simplement si l’appareil est complet ou s’il n’a pas fait l’objet de modifications. A regarder de près :
&Mac183; les condensateurs électrochimiques. Ont-ils " une bonne tête " ? Ne sont-ils pas " gonflés " ? N’y a-t-il pas de trace de fuite au passage des connexions ?
&Mac183; les résistances. N’y a t-il pas de trace de surchauffe ? D’individus " cassés " net ? (si, si ça leur arrive aussi !)
&Mac183; Le transformateur d’alimentation. Ne fait-il pas apparaître de séquelles liées à " un coup de chaud " ? Il n’est pas interdit de se servir de son nez, c’est un outil comme un autre !
&Mac183; Les circuits imprimés. N’y a-t-il pas de trace de soudure froide ? De trace de " chaud " ? Des traces d’interventions antérieures ?
Pour l’instant la seule anomalie détectée concerne les condensateurs de liaison sur les platines de puissance dont l’enrobage époxy est fissuré. Mais cela ne signifie pas que ces composants sont réellement hors d’usage. Continuons en retirant maintenant le capot supérieur.

On y retrouve la section alimentation sur la partie droite et les deux circuits amplificateurs au centre. En bas une tôle pliée assure la protection de la section préamplification. En haut les deux transformateurs de sortie. Il apparaît qu’ils ne sont pas identiques ! Serait-ce le signe d’une réparation et d’un remplacement ? Ou cette situation est-elle d’origine ? En observant de plus près les deux éléments on peut penser que celui de droite a fait l’objet d’un remplacement. En effet outre le fait que l’étrier semble plus " propre " que celui de son homologue (trahissant une moindre exposition à la poussière) il est également bobiné sur une carcasse en plastique ce qui n’est pas le cas de l’autre.
Intéressons nous un instant aux tubes. En effet leur examen purement visuel pour l’instant peut également nous donner des indications. Là encore des différences sont à noter. Les tubes d’entrées sont des EF86, fabrication VALVO, probablement d’origine. Les tubes driver sont des 12AT7/ECC81, d’origine SIEMENS. Or, d’après le schéma en ma possession, ce devraient être des 12AX7/ECC83. Curieux ! Il est probable qu’à l’occasion d’une révision le réparateur ait jugé meilleur de remplacer les références d’origine ... Cependant, à première vue, il n’y a pas trace de remplacement des résistances de cathode et/ou des charges de plaques correspondantes. Ce sera un élément à reprendre plus tard dans la restauration.
Les tubes de puissance, des 7189 (proches des EL84 mais avec une dissipation plaque de 13 W au lieu de 12, une tension maxi de plaque de plus de 400 V contre 300 et un courant maxi de 72 mA au lieu de 65 mA) ont visiblement été au moins partiellement remplacées. Le circuit de droite comporte des tubes d’origine RCA dont l’aspect visuel laisse à penser qu’ils n’ont pas le même temps de service et le circuit de gauche est équipé de tubes comportant le même type de sérigraphie mais dont l’un est marqué " USA " (sic !) et l’autre " STANDARD " (re-sic !). Cela me fait penser à des tubes originaires des pays de l’Est d’avant la chute du fameux mur et plus particulièrement à des fabrications de l’ex RDA. Ils ont cependant l’air d’avoir été changés en même temps et ne semblent pas avoir trop " d’heures de vol ".
Pour le reste l’inspection minutieuse des composants de ces deux circuits imprimés laisse apparaître des défauts visuels sur ce qui semble être les condensateurs de liaisons aux étages de puissance. Ils semblent accuser le poids des ans ! Leur résine d’enrobage est eb effet fissurée.
Voilà pour l’essentiel. Retirons maintenant la protection de la section pré-amplificatrice.

Ou là ! Il y a du monde ! L’ensemble préamplificateur-correcteur est monté sur deux circuits imprimés supperposés fixés à la face avant par l’intermédiaire des potentiomètres de correction grave-aigu. Le commutateur de sources sert également à supporter un ensemble de résistances et condensateurs de faible valeur dont probablement le réseau de filtrage de l’entrée phono (ce point sera confirmé ultérieurement).
L’examen visuel ne fait pas apparaître de problème particulier si ce n’est encore des " traces " de remplacement de tubes. Cette section est équipée de quatre lampes 12AX7/ECC83 ... de trois origines différentes. On y trouve deux exemplaires de TRONAL (bof) assez récentes d’après l’aspect visuel, une vieille SYLVANIA (ça, c’est top !) et une RSD (beurk !!) d’âge, disons intermédiaire d’après l’aspect.
Bon, voilà pour le premier déshabillage. On peut à ce stade faire les observations suivantes :
&Mac183; il sera préférable de remplacer tous les condensateurs chimiques si l’on veut atteindre l’objectif de fiabilité recherché.
&Mac183; tous les composants passifs sont sujets à caution et, pour bien faire, il serait conseillé de les remplacer systématiquement. Mais dans ce cas cela reviendrait à reconstruire entièrement l’appareil ce qui est peut-être excessif ... Nous déciderons plus tard mais il faudra au minimum vérifier si les valeurs des éléments n’ont pas dérivées (ce qui est fréquent).
&Mac183; les nombreux commutateurs devront être nettoyés et leur qualité de contact vérifiée (sacré boulot !).
&Mac183; les tubes seront vérifiés au lampemètre. S’ils sont utilisables ils seront conservés en l’état jusqu’à l’issue de la restauration. Si le résultat obtenu paraît intéressant en terme de performances il sera toujours temps de décider de leur remplacement.

Après cette première et minutieuse prise de contact et l’envie " de mettre les mains " aidant la phase de restauration-dépannage proprement dite va pouvoir débuter.
Commençons donc par remplacer les condensateurs de liaison des platines de puissance. Leur enrobage fissuré n’inspire qu’une confiance toute relative ! Bien entendu il est hors de question d’imaginer trouver les mêmes en neuf ! Il faut donc adapter en fonction de ce que l’on peut trouver et j’opte pour des condensateurs à film polycarbonate dont la valeur capacitive est proche (680 nF pour 470 nF d’origine) et la tension d’isolement (400 V) identique. Là encore le choix est grandement guidé par le contenu des tiroirs … Il faut également prendre en compte l’encombrement et la place disponible sur le circuit imprimé.

Ceci étant maintenant effectué nous allons inspecter d’un peu plus près les tubes. Toujours dans le but de prendre le minimum de risques et, parallèlement, dans un souci d’efficacité, l’ensemble des tubes sera soumis à un contrôle à l’aide d’un lampemètre.
En fait de lampemètre il s’agit plutôt d’un testeur. En effet cet appareil d’origine PHILIPS et répondant au doux nom de " cartomatic " permet un contrôle rapide de l’état des tubes testés mais ne permet pas de réaliser des mesures. L’appareil comporte un support dans lequel vient se brancher un support adapté au brochage du tube à tester. Les caractéristiques électriques de branchement, tension filament et tension-courant de test sont imposées par des cartes perforées à introduire dans l’appareil et permettant l’établissement des circuits électriques adéquats. Bien entendu à chaque tube correspond une carte différente, voire deux dans le cas de tubes comportant plusieurs sections comme, dans notre cas, les ECC83 par exemple. Les principales vérifications pouvant être effectuées concernent les isolements inter-électrodes à froid et en fonctionnement ainsi que la capacité émissive du tube et par conséquent son aptitude à fonctionner dans des conditions normales.
Les tubes sont donc retirés un à un pour être testés puis remis à leur place dans l’amplificateur si le test est positif.


De l’ensemble des tubes deux montrent des défauts. Une ECC83 de la section préamplificatrice accuse une fuite partielle grille cathode et une 7189 un défaut franc d’isolement. Ce dernier tube devra donc être impérativement remplacé pour la suite des opérations. Ne disposant pas de cette référence l’ensemble des tubes de puissance sera remplacé par des EL84 de brochage identique mais présentant une dissipation plaque et une tension maximale inférieure. Mais pour l’instant ces tubes, bien que légèrement différents, permettront de mener à bien la restauration sans avoir dans l’immédiat à investir dans des lampes neuves.

Aucune mise sous tension n’a été évoquée jusqu’à présent … pour la très simple raison qu’il n’y en a pas eue ! Ceci représente un point extrêmement important à l’intention de ceux qui, au hasard d’une heureuse découverte, seraient tentés, sitôt rentrés chez eux, de vouloir brancher leur dernière acquisition avec fébrilité afin de " voir ". Il ne faut en effet jamais mettre sous tension sans précaution une vieille électronique à tubes . Le risque de provoquer une panne, si toutefois l’appareil est encore en état de marche par ailleurs, est extrêmement élevé. La raison se situe au niveau des circuits d’alimentation. Les condensateurs chimiques de filtrage n’accepteraient pas d’être tirés de leur longue léthargie par un réveil aussi brutal et passerait de vie (s’il leur en reste encore un peu) à trépas en se mettant en court-circuit. L’ennui majeur est qu’ils risquent d’entraîner dans leur chute d’autres éléments tels que la valve de redressement (s’il y en a une !) ou le transformateur d’alimentation …
Alors sommes-nous pour autant condamnés à remplacer tous les condensateurs chimiques sans discernement ? Non, il existe une méthode permettant de ne pas prendre de risque et de redonner (peut-être !) une deuxième jeunesse à ces composants. Il s’agit de procéder à leur mise sous tension de manière très progressive en surveillant leur courant de fuite. Cela s’appelle le " reformage ". La méthode est simple : il faut débrancher les condensateurs afin d’être en mesure de les alimenter indépendamment du montage en insérant un milliampèremètre en série. L’alimentation est fournie par une source variable et le principe est simple : on fait grimper la tension tout en surveillant l’intensité sur le milliampèremètre. Si l’intensité a tendance à devenir trop importante on marque un palier jusqu’à ce qu’elle retombe à une valeur acceptable puis on incrémente à nouveau la tension et ainsi de suite jusqu’à la tension normale de service. Bien entendu le processus peut être relativement long mais il est fiable et une fois achevé le condensateur peut sans risque reprendre sa place dans le montage. Si toutefois lors du déroulement de la manipulation le courant refuse obstinément de se stabiliser à une valeur normale c’est qu’il sera malgré tout nécessaire de le remplacer.
Concernant notre Jason ce n’est cependant pas la méthode que j’ai retenue. En effet l’objectif étant de lui redonner un potentiel de vie significatif j’ai préféré procéder différemment. La première étape a consisté à mesurer la valeur des condensateurs à l’aide d’un capacimètre. De cette vérification il est ressorti que le condensateur " de tête " (le premier après le pont de diodes) indiquait une valeur cohérente avec son marquage. Mais ce n’est pas un gage de bonne santé comme nous le verrons plus tard ! Le deuxième, comportant deux sections dans la même enveloppe, indiquait une valeur inférieure à son marquage. Quant au troisième, identique au second, il ne donnait aucune valeur capacitive. On peut donc en conclure qu’il convient au minimum de remplacer cet individu. Compte tenu de la faible valeur indiquée du deuxième je décide de les remplacer tous les deux et ce d’autant plus que quelques condensateurs de ce type neufs mais anciens traînaient dans un tiroir.
Nous voilà donc prêts pour une première mise sous tension tout en se rappelant que le premier condensateur, apparemment en bon état, appelle toutefois quelques précautions. Et de plus les deux condensateurs remplacés ont été fabriqués il y a déjà une trentaine d’années donc prudence !
Compte tenu de ces restrictions l’ampli a donc été raccordé à un auto-transformateur variable (" variac ") ce qui permettra de procéder à une mise sous tension progressive. Un voltmètre est branché en sortie du pont de diodes afin de surveiller la tension redressée et de vérifier qu’elle évolue en rapport avec la tension d’alimentation de l’appareil. Or ce qui était prévisible est arrivé malgré les précautions déjà prises : la tension en sortie de pont refusait obstinément de dépasser le seuil de quelques dizaines de volts et n’évoluait pas en rapport avec la tension au primaire du transformateur d’alimentation. La conclusion s’impose donc d’elle même : malgré une valeur correcte lors de la mesure au capacimètre le condensateur de tête est " fatigué " et se comporte en court-circuit. Il serait peut-être possible de le " reformer " en appliquant la méthode évoquée précédemment mais, puisque c’est possible, il sera purement et simplement remplacé. Ceci étant fait une remise sous tension progressive est effectuée afin de ne pas risquer d’endommager les condensateurs " neufs mais vieux " précédemment remplacés. La précaution s’est avérée payante puisque le dernier des condensateurs de la ligne de filtrage a montré un peu de résistance avant de " se libérer ". Pendant cette période de " mise en condition " le chauffage filaments a été neutralisé par débranchement de la connexion correspondante sur le transformateur d’alimentation.
Voilà donc venu le moment d’une première mise sous tension de l’ensemble !

…….. à suivre ! Suite