Audiotec fait partie de ces marques mythiques pour lesquelles s'est développé un véritable culte...dans l'ombre. Puisqu'aussi bien la personnalité de son créateur, Marcel Vaissaire, s'accommodait peu de copinages avec la presse spécialisée, d'arrangements avec des distributeurs peu sérieux et de l'exagération mensongère comme instrument de marketing. Les bancs d'essais sont donc restés rares, les mentions dans les compte-rendus de salons épisodiques, et même à la grande époque des années 70, beaucoup d'audiophiles étaient peu au courant des activités de la marque.
Marcel Vaissaire

Marcel Vaissaire a pris sa retraite dans le proche Sud-Est. On le disait bougon, mais c'est avec beaucoup de franchise et de gentillesse qu'il a accepté de partager quelques souvenirs, épars, puisque, comme il l'avoue, il n'a rien d'un collectionneur de reliques. Ses formules et jugements sont clairs et nets, mieux vaut donc le citer le plus largement possible:

 

"J'ai débuté dans la vie active en 1936, à l'âge de 14 ans, comme apprenti tourneur-outilleur, á une époque où les métiers manuels n'étaient pas considérés comme le dernier refuge des débiles. D'abord en France, jusqu'en 1942 et de cette date à 1945 en Allemagne, au titre du STO,

d'abord dans une usine Junker en tant qu'outilleur, puis dans une PME jusqu'à la fin de la guerre. Ce séjour m'a permis, travaillant de nuit une semaine sur deux, d'apprendre l'allemand, à partir de la méthode Assimil, en louant des livres techniques, mais aussi romans et poésie dans des bibliothèques et en fréquentant l'école Berlitz de Leipzig. Pendant ces années, lorsque la situaton le permettait, je consacrais tous mes loisirs à pratiquer, en amateur, ce que l'on appelait alors la radio et à lire des ouvrages et revues."
Aprés la guerre Marcel Vaissaire est dépanneur au service maintenance de Thomson et dès 1947, fait ses premiers pas dans la recherche de la fidélité de reproduction, avec des amplis à triodes et des enceintes bass reflex. Il travaille ensuite dans plusieurs PME, pour lesquelles il développe des récepteurs radio portables piles-secteur (à lampes), avant de rejoindre les Ets Gaillard en 1954. La gamme de récepteurs, d'amplis-préamplis et enceintes qu'il crée pour Gaillard fait entrer la marque dans la haute-fidélité et lui permet d'éviter la faillite. En 1962, cependant, M. Vaissaire se refuse à entrer dans le jeux des mensonges publicitaires -même si les concurrents n'ont pas ces états d'âme- et de publier des chiffres de performances fantaisistes. Il quitte donc Gaillard pour s'établir á son compte et fonder Audiotecnic, rue de Tournus.
Audiotecnic
La gamme proposée dès 1962 comporte des "récepteurs de table" de la série RM 3xx, les derniers chiffres indiquant le nombre de lampes, qui varie de 13 à 16 pour le modèle doté d'un préamplificateur de pick-up magnétique. En version "radiophono" RPM , la console de 105 cm de haut comporte soit un changeur Dual à cellule piezo, soit une Thorens TD134 (modèle 316). Il existe aussi un récepteur AF-FM, et, dans un look beaucoup plus moderne d'éléments séparés, un tuner FM, prévu pour un décodeur "après adoption d'un systéme multiplex définitif par la RTF", un préamplificateur correcteur (2 ECC83, 2 ECC 81, 2 EF80) et deux amplificateurs l'A308 et l'A320. Ce dernier tire 20W d'une combinaison de GZ34, 12AX7, 12AU7, EL34, EL84, EF80 et ET80.

(Voir schéma)

Deux modèles d'enceintes sont proposés à ceux qui ne veulent pas se contenter des HP intégrés aux récepteurs, l'une de 125 (E125) litres et 3 HP, l'autre de 250 litres et 5 HP, à parois de 42mm et pesant 82kg.
Elles marquent le début d'une longue évolution et d'une multiplicité de modèles et variantes, en raison du rôle prépondérant que Marcel Vaissaire reconnait aux haut-parleurs et aux enceintes, qui "conditionnent la qualité de l'audition". Dès qu'un nouveau transducteur apparait sur le marché, il le teste et, s'il constate une amélioration, l'incorpore à une série en cours de livraison.
La quête est ardue, les fabricants tardant à s'intéresser à ce marché embryonnaire, et il faut les aider dans les mises au point d'outillage, par exemple pour fabriquer les suspensions périphériques. Les premiers chassis de haut parleurs viennent de chez Princeps, également fournisseur de Cabasse et dont les ingénieurs Lion et Voirin sont soucieux de qualité. Ils fournissent des transducteurs électrostatiques pour l'extrême-aigu, L'E253 en compte trois, l'E125 un, alimentés par un ampli auxiliare de L'A320 et complétant un électrodynamique de 17cm et respectivement un HP basses de 28 ou 35cm.

En 1963, la gamme d'éléments séparés s'enrichit du préampli PR303/306 et des amplis de puissance A408 et A412, complétant l'A320, les puissances "Hi-Fi", sensiblement inférieures à la puissance sinusoidale, mais auxquelles le constructeur préfère se référer, vont de 8 à 25 W.

 

Du côté des enceintes un brevet d'amortissement mécanique des HP est déposé, que M. Vaissaire détaille pour les lecteurs de la revue du Son: Chaque haut-parleur est enfermé dans une enceinte poreuse réalisée par un feutrage textile. Ce principe est appliqué sur tous les modèles, des A64 aux D64 tandis que les progrès des HP d'aigu permettent de s'affranchir de la complexité des statiques. Mais la faible performance des transducteurs oblige á multiplier leur nombre: Sur la grosse D64 de 62kg, il n'y a pas moins de 9 HP graves et 4 tweeters!

L'année suivante, changement de présentation pour le préampli, dénommé désormais 303/306b, apparition de l'ampli A540 de schéma Williamson, avec des ECC83 en entrée et des EL34 en sortie, sortant 45W et dont les taux de distorsion à 8W sont inférieurs á 0,1% à toutes les fréquences, et premiére apparition des transistors dans la partie préampli de l'intégré PRA560.

 

 


L'A540 est présenté en 1966 par la Revue du Son.
Pour les enceintes, la tendance est á une relative sveltesse: Les modéles B65N et E65N de respectivement 22 et 42kg, tout comme le nouveau modéle A67 de 10kg, utilisent un transducteur d'aigu de 6,5cm, les fréquences de coupure sont fixées à 600Hz et 5kHz (Marcel Vaissaire conservera à peu prés les mêmes fréquences de coupure jusqu'aux G150), les basses étant confiées à des HP elliptiques, sauf sur l'A67 équipée d'un 17cm.
Ce n'est qu'à cette époque qu' Audiotecnic commence à miser sur le transistor, mais il est vrai que le silicium vient á peine d'apparaître. L'intégré PA800 est présenté en 1967 à l'AFDERS, Maurice Favre vante son "extraordinaire propreté".

 

Il sera suivi, tandis que les enceintes progressent elles aussi, d'une longue famille culminant avec le PA800D,

 

Lire test (doc .pdf à télécharger)

partie 1 partie 2 partie 3 partie 4

ainsi que de préamplis reprenant bientot sa présentation, les PRA 806 et 803, d'un ampli de puissance, l'A860 de 60W, lui ausi décliné en A860GP dès 1969 (2x80W). et d'un tuner T832.
Les amplis á lampes disparaissent en 1969.

Parallèlement, Audiotecnic, qui propose entretemps des chaines équipées de platines de meilleur aloi, à savoir TD 124 ou TD150, s'accorde avec la société japonaise Stax, dont la philosophie de qualité est certainement voisine de la sienne, pour distribuer en France ses bras et surtout ses cellules et casques électrostatiques.

 

D' Audiotecnic à Audiotec

Il n'y a pas de solution de continuité entre Audiotecnic et Audiotec, simplement une antériorité de quelques mois en faveur du japonais Audiotechnica dans l'utilisation de cette raison sociale, qui conduit à modifier la dénomination lorsqu'il s'établit en France...
C'est sous ce nouveau nom qu'Audiotec, qui ne distribue plus les matériels Stax -la fragilité des cellules électrostatiques y est sans doute pour quelque chose -va d'ailleurs représenter Audiotechnica, aux cellules moins capricieuses mais pour certaines, les AT15 SL et AT20SL par exemple, tout aussi performantes, pendant plusieurs années.
Pour remplacer les Stax, la société met au point son propre casque électrostatique, le CES, que Karl Breh, pape allemand de la haute-fidélité, couronnera plus tard comme exceptionnel.

Le nouveau nom s'accompagne d'un déménagement à Arcueil, et d'une amélioration de l'esthétique des appareils: Les coffrets bois ont disparu, tous les appareils sont livrés en noir, sans aucun des artifices de design que Scientelec ou Braun ont mis à la mode, le PA800 (arrivé à la version E, de puissance légèrement réduite par rapport au D) ne se distinguant qu'à peine du préampli PR906.
L'A960 de 2x100W succède au 860, le T932 au 832, tandis qu'apparaît l'A250, de 50W. La gamme d'enceintes prend une forme "colonne" plus élégante et logeable, elle culmine avec l'E75 équipée de deux HP de grave de 25cm.
Est aussi proposé, à l'époque où tous les japonais se parent d'énormes vu-mètres, l'accessoire IPC (indicateur de puissance crête) doté de six diodes rouges beaucoup plus rapides qu'une aiguille de cadran...

En 1974 , tandis que la petite A100 disparait, la gamme d'enceintes s'enrichit du modéle F80; la même forme de colonne de 108 cm n'abrite cependant plus que deux HP grave montés en push-pull, le médium et l'aigu étant reproduits par des transducteurs montés dans un coffret séparé, que Marcel Vaissaire recommande de positionner à 50 cm en arrière de la colonne.
C'est vers cette époque que les appareils passent du noir, entretemps galvaudé par la totalité des matériels japonais "grand public", à un look inox.

En 1976, Audiotec présente deux nouveaux modéles d'enceintes haut de gamme, dont la silhouette, rappelant de loin celle d'un kangourou assis, déconcerte: Juché sur trois pieds, un long caisson se terminant par un cache HP en forme de pyramide tronquée abrite deux 25 cm montés en push-pull. Tout à fait à l'arrière de ce caisson, décalé des fameux 50cm, une boite de 11 cm de profondeur abrite le medium à dôme, elle est elle-même surmontée à l'extrémité de deux tiges de quelques centimètres, d'un troisième boitier, celui du tweeter. Le montage des HP basses en push-pull qu'Audiotec a mis au point est présenté en détail par Jean Hiraga dans son ouvrage de référence sur les haut parleurs.
Les deux modèles, d'aspect identique, diffèrent cependant profondément, puisque le modéle H100 est, conventionnellement, passif tandis que la G150 est prévue pour une triamplification. Elle est assurée par le filtre actif FA2, alimentant soit une combinaison des boitiers d'amplification A 502 ou A 802, soit le trés gros A506 de 20 kg, dont les "deux fois trois voies" d'amplification fournissent respectivement 80, 55 et 55W aux modules du "kangourou".

<= G150
B 95 = >
La gamme est complétée l'année suivante par la platine ED3, à entrainement direct, qu'Audiotec livre en série avec un bras Audiotechnica, et, en 1978, de l'égaliseur EG1.

En 1980, les H100 et G150 abandonnent leur silhouette pour une ligne plus élégante, le caisson inférieur ètant désormais vertical, et Audiotec annonce la sortie d'un modèle dérivé "Elstat", équipé d'un HP électrostatique pour la voie medium.
Tout comme le tuner à synthèse de fréquence, l'Elstat restera au stade de prototype, Audiotec cessant ses activités en 1981.
Ce n'est pas un déménagement à la cloche de bois, Marcel Vaissaire ne laisse aucune ardoise, ayant toujours scrupuleusement réglé fournisseurs et fisc, mais il en a manifestement marre.
Le A502
le trés gros A506 de 20 kg
La platine AUDIOTEC
suite
Retour