Voici un joli clin d'oeil au passé par Frédéric Vidal
(Fred pour les habitués du Forum)
Merci!
Le bras Charlin BR4
Parmi les bras réputés du monde de la galette noire, le bras Charlin reste aujourd'hui l'un des plus rares. Sa fabrication a débuté en 1970 par une version entièrement mécanique et s'est arrêtée en 1978 sur un modèle asservi électroniquement. Au total, entre 100 et 150 bras seulement ont été produits et ceux qui circulent encore peuvent souffrir de dégradations, de bricolages impertinents ou de réglages arbitraires, faute de documentation sur le sujet.
Ce bras est né d'un constat. André Charlin estimait le son meilleur lorsqu'il tenait une cellule à la main sur un 78 tours (on notera le doigté) qu'avec n'importe quel bras de platine. Question de résonance. Il en conçut donc l'idée de créer un bras dont l'amortissement et linertie se rapprocheraient autant que faire se peut de ceux d'un bras humain. Par la suite, celui-ci fut asservi dans le but de réduire au minimum ses manipulations et prévenir ainsi les accidents.
Le bras Charlin a équipé d'origine quatre modèles de platines :
les Thorens TD134, TD124 et TD125, ainsi que la Lenco L75 pour les clients moins fortunés. Aucune autre platine n'est sortie d'origine avec ce bras des ateliers Charlin.
A noter pour la petite histoire qu'en 1974, DECCA a voulu en commercialiser une copie du bras Charlin en Angleterre, mais a du le retirer immédiatement de la vente devant les brevets déposés par Charlin.
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Le but des quelques lignes qui suivent est de fournir toute la documentation existante, de la notice du mode d'emploi d'origine (avec ses fautes de frappe d'époque), en passant par le schéma électronique du circuit d'asservissement et de l'alimentation, par un crobar dont on excusera la réalisation mais que j'assure juste, un descriptif et des conseils de réglage, jusqu'aux photos de l'animal sur une TD125 mkII.
Toutes ces informations ont été vérifiées par Roger Carado (voir photo), ingénieur ayant travaillé une bonne quinzaine d'années aux côtés d'André Charlin. A l'aide des informations quil ma fournies, le possesseur d'un bras Charlin devrait être en mesure de le restaurer à l'identique et d'en tirer la quintessence.
Description du bras :
Le bras Charlin, dont il y a eu 4 évolutions (BR1, BR2, BR3 et BR4) est un bras unipivot électromagnétique. Il bénéficie dans ses dernières versions d'un asservissement électronique dont strictement tous les composants d'origine sont de qualité militaire. L'aspect est d'une rusticité presque agricole, qui évoque davantage la production artisanale qu'industrielle, et qui peut s'avérer trompeur quant à sa discrète sophistication.
La dernière version, le BR4, a été fabriqué de 1974 à 1978. Sa toute dernière évolution est reconnaissable à sa platine support en polyester noir moulé. Ce matériau avait finalement été choisi pour éviter tout risque de ronflette, qui pouvait subsister sur les versions précédentes où la platine était en inox (voir photo). Sur ces modèles inox, il suffisait toutefois disoler parfaitement masse chaude et masse froide pour parvenir au même résultat.
Lalimentation du bras, régulée en 24V, est totalement indépendante de celle de la platine qui l'accueille.
L'asservissement concerne la force d'appui du bras, le frein de retour du bras utilisant l'antiskating et le levage automatique de la pointe en fin de lecture, débrayable par un interrupteur à bascule. Tous les composants de ce circuit sont de qualité militaire, conçus pour durer, avec de très faibles tolérances.
Le réglage de la force d'appui est lui aussi asservi, commandé par un potentiomètre gradué et peut s'effectuer... pendant la lecture.
Le contre-poids baigne dans une huile au silicone et se trouve disposé sur un axe vertical, sous le pivot.
La partie horizontale du bras est en trois parties :
- la coquille en alu, sérigraphiée de la signature A.Charlin, est emboîtée sur le bras par l'entremise d'un guide, puis serrée par une vis latérale serrant une lamelle-ressort incurvée.
Pour l'anecdote, une partie de la production de ce bras est munie d'une lamelle incurvée par erreur à l'envers (repli vers l'extérieur). Ce qui peut amener un mauvais contact de masse de la cellule avec le bras et un bruit de masse typique. Il suffit alors de replier la lamelle pour qu'elle ait un bon contact. L'oxydation de celle-ci avec le temps peut également déclencher le même incident. Il peut être utile pour plus de tranquillité de relier par un brin conducteur la masse de la cellule à la coquille.
- l'avant-bras en aluminium, de section cylindrique, baignant dans une graisse siliconée contenue dans un tube extérieur en plastique, terminé par une baque de serrage de section carrée.
- l'arrière-bras en alu lui aussi, de section carrée, traversée par le pivot et supportant les aimants de centrage, puis traversé à son extrémité arrière par un axe creux qui entre autres sert au passage des fils.
Les deux parties du bras sont reliées souplement par des lamelles-ressort. les fils circulent à l'intérieur du tube.
La partie verticale du bras est assez imposante et a nécessité que le châssis d'origine de la TD125 soit surélevé de 3cm pour l'accueillir. Opération qui était menée chez Charlin.
Cette section comprend deux tubes, l'un dans l'autre, l'axe d'équilibre du pivot, le frein électromagnétique, le système d'arrêt automatique.
Dans le tube interne, on trouve un contrepoids cylindrique creux d'environ 70g à vide, baignant dans de l'huile, suspendu au bras par un ressort et centré dans son tube par une spire de cuivre. Ce tube d'aluminium était strictement le même que celui utilisé à l'époque pour... les cachets d'aspirine. Creux, ce contrepoids est tarable par des plombs en fonction du poids de la cellule qu'il accueille. Invisible de l'extérieur, il se trouve donc disposé verticalement. Plus on ajoute de la force d'appui à la cellule, plus il descend.
Un second tube externe, chromé, contient la bobine d'attraction du contrepoids.
Au sommet de l'édifice se trouve le pivot centré par deux aimants qui, par souci de longévité, repose sur un rubis.
A la base de l'édifice se trouvent la bobine de frein et le système qu'elle commande, ainsi que celui d'arrêt automatique du bras, commandé par un aimant.
Un axe, parallèle au tube vertical et dont l'extrémité est visible de l'extérieur à l'arrière du bras, sert au passage des fils, à l'équilibre du pivot et supporte dans sa partie basse l'aimant qui commande le système d'arrêt automatique, ainsi que tout-à-fait à sa base la pièce de centrage du bras, qui est elle-même une partie du frein.
La coquille peut accueillir de nombreuses cellules modernes, mais le dépassement ne peut-être réglé.
Quatre cellules Ortofon ont été proposées avec ce bras entre 1970 et 1978 : La SL15, le SL20E et la SL20 mkII vers 1975, la MC 20 en 1978. (Shure pour la Lenco).
La MC20 est toujours au catalogue Ortofon 2001. Une alternative actuelle très intéressante financièrement et à peu près équivalente à l'écoute est la MC15 Super mkII.
Le bras est calculé pour un certain dépassement, non réglable, et un poids de cellule d'environ 10g, en-dessous duquel le réglage de la force d'appui talonnera en butée. Dans ce cas, il est possible de tarer le contrepoids en démontant le bras ou de lester la coquille par des plombs, de l'intérieur, de manière parfaitement invisible, si le poids de la cellule est inférieur à 10g.
Les branchements des cosses n'ont pas les couleurs aujourd'hui normalisées.
On trouve 2 fils marrons, un fil blanc, un fil jaune. Ainsi :
Couleurs Couleurs
bleu
vert
blanc
rouge
normalisées Charlin
marron
marron
jaune
blanc
Les 2 fils marrons (masses) peuvent indifféremment être intervertis.
Les circuits d'asservissement du bras sont disposés sous la plaque d'embase Charlin accueillant les commandes du bras. Son alimentation régulée est fixée plus loin, sous le plateau de la platine. (Voir schéma).
Réglages du bras Charlin
Les réglages décrits ci-après sembleront aux afficionados du pèse-cellule quelque peu empiriques. Erreur. J'ai pu vérifier à maintes reprises le bien-fondé de ces méthodes sur le bras Charlin une fois rapportées à l'écoute. L'expérience de ceux qui l'ont mis au point et entretenu est irremplaçable. Et leur cursus parle pour eux.
Antiskating : une fois la platine bien horizontale, il se règle à l'aide de la vis située à droite de la plaque du bras, juste au-dessus du voyant de contrôle d'alimentation (voir photo Bras Charlin).
Il faut mettre un disque sur la platine, placer le bras en position levée en bout de l'escargot du sillon, lâcher le frein en maintenant le bouton jaune enfoncé et compter deux secondes. C'est le temps que doit mettre le bras à regagner tout seul l'entrée de son logement de fixation. (Il ne peut bien sûr y entrer tout seul). Si ça n'est pas le cas ou s'il s'arrête en route, jouer sur la vis de réglage jusqu'à obtenir la bonne course.
Souplesse du bras : il importe de vérifier qu'il n'y a pas de point dur sur l'amplitude de déplacement du bras. Toujours en position levée, frein débrayé, on doit pouvoir en soufflant sur la coquille le déplacer de manière fluide jusque vers le centre du plateau, puis il doit revenir de lui-même avec la même fluidité. Si un point dur apparaît, ralentissant ou pire arrêtant le bras, il y a de bonnes chances pour que cela vienne de l'axe vertical arrière qui touche dans sa course l'embase du bras. Il suffit de le dévisser par le haut et de le placer correctement.
Force d'appui : au risque de faire hurler dans les chaumières, l'équipe Charlin n'avait qu'une seule manière de régler une cellule, quelle qu'elle soit.
Les données conseillées par les constructeurs sont en effet des données moyennes, qui ne tiennent pas compte de la rigidité croissante de l'amortisseur du stylet au fur et à mesure de son vieillissement, ni des tolérances plus ou moins larges. Quant au potar gradué du réglage de la force d'appui, il ne correspond à rien d'autre qu'à donner des points de référence à l'utilisateur.
La méthode Charlin consiste donc à vérifier avec beaucoup d'attention l'enfoncement de la pointe au contact du sillon. Cet enfoncement au contact doit être d'un tiers de l'espace compris entre la pointe et la cellule lorsqu'elle est en position levée. Il est plus aisé de lévaluer lorsquon relève la pointe, mais demande tout de même un bon oeil et une certaine habitude. On peut par la suite affiner à l'oreille puisque ce réglage peut se faire en cours de lecture.
Cette méthode s'applique à toutes les cellules, quel que soit leur vieillissement.
Arrêt automatique : si celui-ci ne fonctionne pas ou se déclenche trop tôt, il est plus que probable que l'aimant qui commande ce système soit mal positionné (voir crobar). En attendant de le régler, on peut toujours le désactiver par l'interrupteur à bascule qui le commande (voyant jaune allumé lorsque débrayé).
Pour régler l'arrêt automatique, il faut accéder à la partie basse du bras et repositionner l'aimant fixé sur l'axe de façon à ce qu'il décolle les lamelles en contact, une fois le bras en bout de lecture, à la fin de l'escargot. Ce règlage est assez délicat, car l'aimant ne doit jamais entrer en contact avec la lamelle mais doit être suffisamment proche pour l'attirer.
Viscosité de l'huile : Attention, la viscosité de l'huile silicone dans lequel baigne le contrepoids, et qu'il faut impérativement respecter, est de 50.
Deux références au moins sont disponibles : Rhône-Poulenc réf.M3024 et Rhodorsil Silicones réf.47V50.
Une fois la restauration d'un bras Charlin terminée et les réglages soigneusement réalisés, cellule en place, ceux-ci s'avèreront définitifs. Tel quel, le bras est en effet quasi indéréglable.
A noter enfin que le bouton vert qui commande l'abaissement du bras doit toujours être maintenu enfoncé deux secondes après que le diamant se soit posé. Ce en raison de linertie du temps de réponse du bras dû à la viscosité de lhuile.
Place alors à la musique.
FV
Légendes des photos :
André Charlin
Roger Carado, ingénieur aux côtés de Charlin durant plus de 15 ans
Mode demploi dorigine livré avec le bras
vue en coupe dun bras BR4
Schéma dorigine du BR4
Thorens TD125 mkII avec bras Charlin
Les dessous dune TD125 et de son bras Charlin BR4
Une ergonomie efficace, une esthétique particulière
Un dessous de bras pas comme les autres