Revue de Presse
Par Jean Marie Willigens

Stereoplay (Allemagne)
Juillet 99


C'est encore une fois le CD gratuit joint à la revue qui m'a décidé à retenir Stereoplay en ce début d'été. Aucune indication quant au contenu, sinon une profusion de logos laissant espérer une compilation des meilleurs artisans britanniques. En fait c'est un peu ça, puisque c'est Antony Michaelson qui interprète du classique sur sa clarinette. Serait-ce la première fois qu'un facteur de hi-fi se réclamant d'une formation de musicien se présente au public de la sorte? L'un d'entre nous aurait-il eu l'occasion de voir Weber Rehde insuflant en concert, pour ne pas parler de Mark Levinson ou D. Burmester?
L'initiative est sympathique, la musique n'est pas mal, encore que pour un béotien comme moi il est difficile de relever les subtilités dans le jeu de cet instrument et donc de décerner un quelconque pipotron au patron de Musical Fidelity. Je suis encore moins avancé pour me faire une idée à partir du CD sur les matériels MF et les autres, plus ésotériques, que le clarinettiste AM propose sous son nom propre, de gros trucs à tubes au look de char Leclerc. Il y eut autrefois des amplis M&A (Michaelson&Austin), surtout connus pour une "période" avant désintégration les classant parmi les transuraniens les plus instables. Le CD ne nous dit pas quels progrès AM a fait en la matière...

Cette présentation de Michaelson relève d'un cahier que Stereoplay consacre à dix fabricants considérés comme les plus représentatifs de la haute-fidélité britannique: Cyrus et Mission, Wilson Benesch, Arcam, Acoustic Energy, Roksan, Rega, MF, Naim et -vu ses budgets publicitaires énormes- l'incontournable TAG. L'effort est louable, les informations et interviews, quoique succinctes, du plus haut intérêt. Ainsi, on apprend que Rega et MF ne tournent qu'avec une cinquantaine de personnes -quel fabricant français d'électroniques en a autant?- alors que Naim en compte une centaine.

Le reste de ce numéro de l'été est assez maigre. Si Stereoplay s'essaie à faire avancer le débat entre tenants des enceintes compactes et des colonnes plus élancées en comparant un représentant de l'une et l'autre école dans les gammes respectives de Canton, Dynaudio, Elac, Magnat et Mission, on reste sur sa faim malgré de beaux diagrammes en couleur, les commentaires d'écoute se réduisant à quelques mots. Comme on s'y attendait, les colonnes sortent plus de basses -sauf chez Canton, dont le modèle compact Ergo RCK doté d'un module de compensation électronique surpasse sa grande soeur Fonum 730- et atteignent des niveaux sonores supérieurs, de 9 dB chez ELAC!

Même reproche pour les test des "conditionneurs", ces bêtes qu'EDF devrait avoir à coeur de mettre aussi gracieusement à la disposition de ses abonnés que les PTT avec le Minitel (quitte à inventer un 50Hz "rose" qui pousse à surconsommer). On se promène là entre 5000F pour la combinaison passive d'Audioplan et 50.000F (!!!) pour le PS1200 d'Accuphase. Heureusement que d'après Stereoplay c'est aussi ce dernier le plus complet et efficace, meilleur que le "régénérateur" de Clearaudio, d'ailleurs limité en puissance à l'alimentation de platines (mais, pour 10.000F, vous pourrez en acheter plusieurs!), le "régulateur" de Burmester (21000F) qui se contente d'éliminer totalement les composantes continu, ou la combinaison Z-Stabilizer et Z-Iso-Duo de MIT (28000F) dont Stereoplay juge, à mots couverts, au moins l'un des composants totalement inefficace. Parmi les modèles passifs, le "Mains" d'Einsteins (10.000F) est donné comme recommandable, en particulier pour séparer les appareils numériques des autres, mais on regrette que les graphiques soient difficiles à interpréter et que Stereoplay, qui a investi dans un "générateur/simulateur de secteur pollué", et certainement beaucoup mesuré, ne fasse guère de commentaire détaillé sur l'amélioration obtenue à l'écoute.
Les pages 24 à 30 justifieraient à elles seules l'achat de Stereoplay, même sans CD, et j'en connais dans un Duché qui s'en mettront sous verre des tirages á part pour tapisser leurs murs et plafonds: On présente, et accessoirement juge, rien moins que les Mark Levinson 37, 360, 380 et 335, soit quelque 200.000F d'électronique. On mesure jusqu'à 1665 W dans un Ohm et 7160 de facteur d'amortissement avec un temps de montée de l'ordre de la micro-seconde, pratiquement aucun jitter et des distorsions insignifiantes. Le tout avec une finition et un souci du détail mécanique ou électrique qui impressionne. Ainsi la platine sur base d'ester de cyanate, matériau dont j'ignorais qu'il présente des caractéristiques d'isolation parfaitement constantes. L'ampli et le préampli sont notés à deux points des tous meilleurs (respectivement ML 33 ou FPB M650 et Cello Encore) , la platine et le convertisseur sont placés directement au top de la revue, où ils rejoignent les Wadia série 27.
Outre un test des baladeurs MP3 reprenant des conclusions déjà connues, Stereoplay présente encore un ampli intégré du constructeur allemand AVM. Puissant, avec 132 W dans 4 Ohm, stable et rapide, cet appareil parfaitement fini et qui contient deux blocs monos parfaitement séparés est vendu moins de 10.000F en Allemagne. Cet AVM A2 récolte 48 points, une excellente note et semble mériter une écoute, si vous appréciez par exemple les électroniques allemandes Einstein ou Symphonic Line, et cherchez une alternative à du danois surpayé.

Enfin, mentionnons un test en forme de mise en garde contre les "audio noise eliminators" de Combak/Enakom, proposés en diverses varaiantes et dont l'effet est manifestement nul.







Bon, cette revue a plus tard fusionné avec la trés doctrinale Hi-Fi Stereophonie de M. Karl Breh, pape de la norme DIN et des relevés B&K. Il a pris sa retraite, mais cette épisode permet au RedChef d'aujourd'hui de réclamer pour sa revue l'étiquette "HiFi made in Germany", vu les qualités "éminemment teutonnes" et les "vertus germaniques" (sic) que se reconnait l'équipe rédactionnelle, en sous-entendant lourdement que les concurrents s'en contrefichent: Hargne de teckel dans les recherches, "Gründlichkeit" (une vertu tellement allemande qu'elle est intraduisible en français), amour du travail sérieux et objectivité scientifique.
Cet édito très légèrement puant sert à introduire un cahier spécial consacré à treize fabricants allemands considérés comme parangons des mêmes qualités germaniques...J'ai mon avis sur ce que ça peut apporter à la musicalité des appareils, mais passons, ce cahier spécial est trés instructif.
Commençons par les tests, que Stereoplay, soucieux de justifier son image, accompagne de résultats de BE détaillés et clairement présentés: Courbe de réponse et d'impédance pour les enceintes, diagramme "waterfall", graphiques montrant la puissance et le facteur d'amortissement idéalement requis des amplifications, puissance maximale admissible et jusqu'à une classification indiquant pour lesquels de la douzaine de "profils types" d'auditeurs l'appareil semble particulièrement recommandable: cela va du "raisonnable" au "perfectionniste" en passant entre autres par le puriste, le fan de rock, celui à l'étroit et l'individualiste.
Le système de notation semble mieux tenir la route que celui des concurrents. Depuis trois ans il va jusqu'à 60 points, mais la revue fournit sur demande un tableau de mise en équivalence avec les notations antérieures et même un récapitulatif avec notes de tous les appareils testés depuis 1978. Quand je vous aurais dit que ÇA c'est "gründlich", vous aurez compris ce que ce mot veut dire!

Le premier test est consacré aux enceintes de haut de gamme, avec des prix s'inscrivant entre 75 et 90.000F:
BW Nautilus 801, JM Lab Mezzo Utopia et Wilson Benesch Act2. Les commentaires d'écoute sont assez complets, et la fiche technique nous apprend par exemple que la 801 peut sortir jusqu'à 112dB., contre 107 à la JM Lab. Toutes deux terminent à égalité au pinnacle des 60 points, où elles rejoignent la Hales Transcendence 8. L'Act2 les talonne, avec 59 points, où elle retrouve l'excellente Caldera d'Audio Physics.
Le deuxième test porte sur des enceintes plus logeables et abordables, entre 7000 et 20.000F la paire, et il voit une nouvelle victoire de JM Lab, puisque l'Electra 905 récolte 34 points, à égalité avec la Dynaudio Contour 1.3 MkII . Elles sont suivies par la très belle Praecisa Acoustica Nuovo, au boitier en forme d'oeuf et l'Ensemble Animata (33 points), puis par la Piega P2 et la miniature ELAC CL 310, dont les 29 points n'ont rien de ridicule compte-tenu de ce qu'elle est la plus petite et la moins chère. Il eût mieux valu retester sa grande soeur 142 CL, vendue 11000F comme la Dynaudio et gratifiée l'an dernier des mêmes 34 points...Concernant l'enceinte suisse Ensemble, Stereoplay reconnait des qualités "fascinantes" mais lui reproche un léger manque de coffre et d'autorité. C'est sévère, la suissesse est tellement fascinante qu'on ne s'aperçoit pas qu'il lui manque quoi que ce soit!
Le test suivant est consacré aux lecteurs de CD, et l'on y constate d'abord que l'écart de qualité entre haut de gamme et grand public est beaucoup moins prononcé que pour les enceintes: Les deux modéles testés dans la catégorie des 5000F, le HK HD 760 et le Rotel RCD 971, récoltent en effet tous deux 54 points, (ex aequo avec le Planet) soit finalement assez près des champions en titre Wadia 850 et ML39, pourtant dix fois plus chers! Dans les catégories inférieures, le Yamaha CDX à 3500F récolte encore 51 points et un "très bon", alors que le NAD 524 et le RCD 951 restent en deçà des 50 points, où ils sont presque rattrapés par des appareils "premier prix", comme le Sony XB 720 (47) ou le Pioneer S 507.
J'aurais tendance à donner raison à Stereoplay: La qualité sonore de lecteurs basiques est relativement satisfaisante, les points en plus se paient vite très cher!
Stereoplay teste encore un appareil d'un genre quasiment disparu, l'ampli-tuner T+A R1520. Vu l'absence de concurrents dans la catégorie, cette grosse bête (500W dans 1 Ohm!) au design rappelant Braun n'a pas de mal à s'établir comme référence, avec 46 points.
Enfin, et pour se faire pardonner l'intrusion de ce "super-intégré", Stereoplay nous offre un BE de trois ensembles à éléments séparés, dans une gamme de prix assez large, puisque si les Myriad MP100 et MA100 tournent autour des 13.000F, les Technics SUC/SEA3000 valent le double et les AVM Evolution V5/M5 (2 blocs mono) plus du triple (il est vrai qu'avec 700W il sont aussi cinq fois plus puissants).
Il est intéressant de constater que les préamplis se tiennent de près (entre 49 et 51 points, le champion Cello Encore est à 57) tandis que les réserves gigantesques des monstres chromés germaniques creusent irrémédiablement l'écart, même par rapport au gros Technics à condensateurs au bambou. Avec 55 points, les M5 obtiennent une meilleure note que p.ex. l'Accuphase P 700 tandis que le Technics ("ambitionné, mais peu impulsif!") ne se détache pas vraiment du "sympathique" Myriad (44 et 42 points).
Oublions le test de cables pour enceintes, bien qu'il soit accompagné d'explications techniques et diagrammes très clairs et porte sur des matériels somme toute abordables (de 100F le mètre à 1700 F le jeu), pour revenir au cahier spécial. Il nous présente treize constructeurs allemands, allant du trés ésotérique spécialiste des pavillons sphériques, la société A Capella, au géant Grundig, dont les quelques excursions en haute-fidélité nous ont valu d'excellents tuners et la série "Fine Arts", mais qui fait maintenant plus dans les équipements "lifestyle", en passant par le trés bon (Audio Physics) et le moins bon, ou au moins le "tout venant", c'est à dire les fabricants de HP Heco, Canton, Magnat, Nubert et Quadral... On y apprend que Magnat s'apprête à relancer ses tweeters à plasma (sous licence de feu le Professeur Siegfried Klein, à Paris), que Quadral continue d'améliorer son très impressionnnant modéle de pointe Titan...et que ces cinq fabricants peu connus chez nous alignent chacun de 50 à 70 employés, tout comme les relativement élitistes ELAC ou T+A, alors que Thorens, de loin le plus connu et mondialement distribué, en a moins de quarante!
Ah oui, le CD-cadeau n'est pas trop mal!
Bonnes écoutes

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