Puisqu'il s'agit de petites et grandes Histoires, voici une petite comparaison CD vinyle impromptue.

Par Jean Michel Penalva

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Toujours absorbé par le référencement de ma vinylothèque, je découvre hier un disque magnifique que je possède dans les deux formats.
LLIBRE VERMELL de MONTSERRAT
Pélerinage du XIVème siècle, par HESPERION XX de jordi Savall

- En vinyle EMI Reflexe (import d'Allemagne), 1979.

- Remastering digital en 1989 et édition dans la collection Virgin Véritas en 1994.

La manip est simple : je branche mon STAX (ampli + casque) sur la sortie Tape out de mon préampli, ce qui me permet de commuter d'un seul geste la source : cd or vinyle (that is the question).

Les forces en présence ?
le vinyle est dans un état excellent (22 ans, bon pied bon oeil, pelage luisant, bruit de fond discret, rumble en vacances) ; le cd, toujours aussi suffisant dans son habit de plastique, n'en mène pas large mais se la joue sûr de lui et de son bruit de fond inexistant. La platine ? Cette bonne vieille REGA3 avec sa coquille de course et sa combinaison de teflon ne sent plus son âge, et compte sur l'expérience de sa DENON 103.
Le lecteur CD ? le bon gros VRDS 10SE (du genre j'avale tous les cd même les pourris sans me plaindre), un moment ébranlé par les critiques acides de quelques rabats-joie du forum, est tout ragaillardi par l'arrivée récente d'un convertisseur de combat Audio Alchemy DDE 1.1, armé d'un MIT digital.

La séance commence. Le silence autour de moi est épais (il est 23 h, la maisonnée ne se doute pas du duel impitoyable qui va se dérouler). A genoux (choux, hiboux, cailloux, joujoux, poux, petit rappel éducatif) devant le préampli, je serre les dents, essuie furtivement une perle de sueur qui pointe et actionne fébrilement le sélecteur de sources.

Ils sont partis! une seconde d'écart entre le cd (déjà en tête) et le vinyle. Au moindre passage intéressant, je commute.

Piste 1 : les cloches, le choeur d'homme pour le plain-chant
Piste 2 : les percussions cristallines, le luth et les bois verts, l'ensemble instrumental, puis vocal.

Pris à froid, le cd perd deux longueurs, le vinyle bien concentré surprend le public : la dynamique! la présence!

Piste 3 : retour des moines, ambiance d'abord puis crescendo, le son enfle, la réverb entre en scène, le choeur éclate.
Piste 4 : l'ensemble instrumental - vents + percu - fait l'intro des solistes. On attend Monserrat figueiras et son timbre fatal. Sous le casque, l'opérateur se contracte un peu.

Mal dans l'ambiance, le cd se concentre sur l'effet stéreo, il tente de déployer une scène sonore homogène, mais est vite débordé : timbres, détails, vie. Mais que fait la police numérique ?

Piste 5 : le choeur mixte.

La confiance a changé de côté. Le public est goguenard. La vieille baderne vinylique se promène. Un instant, l'assemblée retient son souffle : le vinyle vient de saturer légèrement dans les aigus lancés fortissimi. Une lueur d'espoir dans l'oeil du cd.

Piste 6 : un passage pour audiophile ; un genre de Gaffophone joué par Assurancetourix. Une basse continue geignarde, un petit solo mélodique, le cd ne sait plus à quel registre se vouer ; le vinyle sert les dents.

Piste 7 : les grosses percus! Le cd jette ses dernières forces sur les impacts, le vinyle passe en force devant le jeune présomptueux...

C'est fini, la messe est dite (putain, elle est bonne). Le cd sait qu'il ne refera pas son retard. Martyrisé par le choeurs de femmes à la 8 ème reprise, le luth de la piste 9 entame l'oraison funèbre. A la 10ème, c'est l'hallali : percussions, bois, tambourins sont fatals au cd exsangue, épuisé, vaincu. Abandon à la 11ème reprise.

Le vinyle fait son tour d'honneur. Il est seul dans l'arène, le public est debout, l'ovation va s'entendre jusque dans les îles lointaines.

Voilà msieur dame la triste histoire du lièvre-cd et de la tortue-vinyl. Cela se passait un 14 mai, quelque part en Provence.

* soyons modeste : la citronade à l'acide citrique est au citron ce que le cd est au vinyle


michel Penalva
puisqu'on ne peut la comprendre, il faut aimer la musique, l'aimer à force de l'écouter...