FRANCFORT 1999

Vous le saurez pour l'année prochaine, à Francfort on ne joue pas les prolongations, les salles ferment aprés au maximum un quart d'heure de gràce; dès 18h20 vous ne pouvez plus que vous rabattre en vitesse vers les marchands de galettes, ils sont plus patients.
D'où l'intérêt d'arriver tôt, j'avais deux heures de retard, que j'ai d'autant moins rattrapées qu'un Monsieur Jacques Mahul a bien voulu m'accorder quelques dizaines de minutes et que d'autres conversations ont été difficiles à abréger.
Quant á faire le saut à l'autre hôtel, à une demi-heure de bagnole autant l'oublier! Pourtant c'est là que se cachaient les nouveaux Nelson Pass. Désolé, Dan!

J'ai compté trois salles où les démonstrations se faisaient uniquement à partir de microsillons, c'est certes beaucoup moins que celles où les seules sources étaient numériques, mais cela confirme, avec l'abondance des marchands de disques noirs (maintenant au moins Hugues Benoit peut alimenter sa Sondek!) le retour en force relatif de l'analogique et de ses accessoires du culte. Par exemple les machines à laver les microsillons, dont on m'a vanté, pour l'une, le silence de fonctionnement. Comme si on faisait cette vaisselle en écoutant!
A propos des accessoires, veuillez noter les tarifs pratiqués par van den Hul pour ses interventions sur des cellules:
Nettoyage: 35 Euros
Remplacement des amortisseurs caoutchoutés; 60 E
Remplacement d'une bobine, à partir de 340 E
Remplacement d'un diamant: de 180 à 220 E, cela vaut p.ex. pour équiper une DL 103 en elliptique.

Débauche de matériaux nobles pour les platines, avec beaucoup d'acrylique et altuglas pour les Clearaudio et les Transrotor, tandis que d'autres alignent plusieurs étages de suspensions et artifices de découplage, qui leur font prendre la hauteur de la Verdier.
Chez les bras, les SME et Rega dominaient, il est vrai qu'il est autrement difficile de développer ces instruments de précision que de plagier une Michell ou une Verdier.
On note cependant dans les platines quelques modèles plus simples et abordables, dont une très bizarre platine Kuzma, dont la base se limite à un épais tube métallique horizontal, qui supporte le bras, le moteur et l'axe de rotation du plateau.

L'analogique a ses problèmes spécifiques, et certains ont oublié de faire leurs gammmes: Ainsi chez Audiolabor, la membrane en magnesium des enceintes Schürmann mises au point par le concepteur de la maison présentait des excursions à vous donner le mal de mer et sans rapport avec le message musical reproduit. La raison: Un formidable accrochage subsonique auquel, il y a trente ans, on rémédiait par un filtre adéquat, mais que, faute d'avoir consulté les anciens, plus personne n'ajoute à ses amplifications!

En numérique, et à défaut d'avoir trouvé une place décente pour la démonstration Sony du SACD (mais, si ça perce, on aura l'occasion d'écouter à la FNAC), noté un nouvel appareil chez dCS, qui est proposé en complément du convertisseur Elgar: Le Purcell génère un signal codé en 24/192 à partir du 16/44,1 de nos CD actuels. Admirons l'honnêteté intellectuelle de dCS, qui mentionne dans son dépliant:
Published theories suggest that the resultant signal should'nt sound any better than straight CD, but our fundamental understanding of digital audio is still developing, so when human experience kicks in, all doubts are consigned and as if by magic your entire CD collection turns from silver to gold. Of course, we don't expect you to take our word for it: get yourself to a good audio dealer and ask to hear it for yourself.
J'ai personnellement cru discerner une très légère amélioration, mais comme il vous faut l'Elgar pour tirer parti du Purcell, elle revient cher...
Sinon, et mis á part quelques très beaux objets designs qui réclament un cérémonial d'ouverture du capot et de mise en place d'un puck tout aussi compliqué que pour le vinyl, peu de grandes nouveautés ou d'agressivité dans la présentation en matière de lecteurs, à preuve l'Arcam 9 ne jouait pas, sa salle était consacrée au Home Cinema!. A noter toutefois la présence de Métronome Technologie, qui semble s'être risqué pour la première fois à Francfort.
On attend manifestement que le standard du futur se dessine, et ceux qui ont déjà un lecteur DVD (comme celui d'Helios, dont le son m'a plu) n'ont pas encore eu le temps de le carosser de manière extravagante.

Pour les amplis, la vingtaine, voire trentaine de fabricants allemands était intégralement représentée: AVM, Lindemann, Tessendorf, Audiolabor, Audionet, Phonosophie, Musica Nova, et j'en passe. Fabrication impeccable, même si tous les chromes ne sont pas aussi luxuriants que ceux de Burmester. On ne peut pas tout écouter, mais les nouveaux "gros" amplis de Symphonic Line et l'Emitter à alimentation par batterie d'ASR m'ont plu parmi les transistors, pour les tubes j'ai noté les appareils "minimalistes" du spécialiste Klimo et une nouvelle ligne, très peu minimaliste celle là, d'Einstein.

Parmi les produits "étrangers", si les japonais étaient relativement discrets, les artisans britanniques étaient sortis de leur forêt de Sherwood, avec des machines au design tout aussi triomphaliste que les italiens, par exemple les modèles Synergy de Tube Technology (150W dans 8Ohm) ou les EAR du Messie Paravicini (il en a la barbe!), mais aussi avec les OTL écossais Vadis que M. Davis, leur concepteur, propose dans un look (ou absence de look) délicieusement rétrograde et proche du DIY. Siltech exposait aussi, un énorme prototype d'ampli à tube (un seul tube, mais d'origine station radio!), réduit malheureusement à une sonorisation d'ambiance dans un corridor exigu.

Chez les transistors, première rencontre avec plusieurs gros amplis qui semblent prometteurs, les KR Entreprises, les derniers Plinius et une alternative norvégienne aux Electrocompaniet, qui m'a semblé plus neutre que ces derniers (et réfléter une école d'écoute que j'apprécie dans les prises de Kongshaug): Les matériels Hegel, ainsi baptisés en référence à l'inventeur du progrès par l'opposition dialectique. Il est vrai que les noms des grands électriciens, Ohm, Tesla, Johannet, sont déjà utilisés en hi-fi, mais quant aux philosophes, pourquoi pas Pascal ou Descartes, grand conseiller de la reine du Danemark (à l'époque où celui-ci incluait la Norvége?).
D'Orient et aprés les coréens, les chinois et les indiens, au tour des thailandais de débarquer, avec la gamme des électroniques Magnet, parfaitement fabriquées.

Retrouvé les Chord, dont la gamme prend des watts d'année en année, le HDG SPM 1200 étant désormais flanqué de grands fréres allant jusqu'au SPM5000, de 415 W par canal. C'est Chord qui avait la plus belle présentation, sur un étagement de plaques de granite flanqué de deux colonnes prototypes réalisées par l'importateur allemand dans d'épais tubes d'acier inox, genre centrale nucléaire.

Enfin, du côté des enceintes remarquable présentation de la famille Utopia, dont Jacques Mahul est á ce point satisfait du succès à l'étranger qu'il déclare ne pas les "forcer" pour l'instant sur le marché français, où certains partis-pris et lacunes de distribution rendent la tâche indûment difficile. Entre les Utopia et la famille Nautilus de BW, la place est devenue étroite. Dynaudio essaie d'y reprendre son rang avec une colonne "Evidence" de 2m et 1/2 MF la paire, en configuration "super d'Appolito" puisque dotée de deux tweeters superposés. Une belle bête, que Dynaudio prétend plus facile à alimenter que ses concurrentes.
Vous pardonnerez à votre serviteur d'avoir privilégié les électrostatiques, et, là, consacré de longues minutes d'écoute religieusement concentrée aux Soundlab C3, de grands panneaux à la mode des ESL d'il y a vingt ans, au look un peu rétro, mais merveilleux à écouter, plutôt qu'à la gamme Final), certes excellente, mais que l'on trouve sans problème hors des salons, et qui s'augmente de "large bande" de plus grand format (modèle 1.4). Les hybrides indiens de Cadence ne m'ont en revanche pas vraiment conquis.

En électrodynamique, on revoit fleurir des formules d'un autre áge, avec plaisir pour les Shahinian dont les HP rayonnent vers le plafond et que leur concepteur gave de prises soigneusement sélectionnées et superbes, avec un certain étonnement pour les "mini-satellites", taillés en un diamant de 25cm abritant un minuscule HP et flanqués d'un obélisque (?) pour le subwoofer, du systéme "Jewelvision" de Bünzow, ou encore pour les superpositions de caissons horizontaux du modèle 3 de Clearlight Audio, qui rappelle un énorme modèle BW d'antan, mais avec un très moderne tweeter Audax piézo comme centre de symétrie.

On trouvait proportionellement moins de haut rendement qu'à Paris, avec tout de même quelques monstres splendides, comme les Dynavox et surtout les extravagants "Carfraehorn", alimentés par un OTL Vadis de 15W, et que tout Lowtheriste qui se respecte aura à coeur de s'offrir (pour 200kF la paire).

Dans des tailles plus logeables, on retrouvait les excellentes Audio Physics et Audiodata et plusieurs semi-clones germaniques, un nouveau modèle Isophon privilégiant avec succès la spatialité et le relief de l'image acoustique, et dans le même genre, outre les classiques Thiel et Hales, l'impressionnant modèle 3.3 de NHT (Now hear this!).
Encore plus petit, les nombreuses enceintes italiennes, "de bibliothèque" mais "sonnant comme des grandes", pour reprendre le slogan Clio.

Chimistes dans l'âme, les allemands n'ont de cesse de nos concocter de nouveaux matériaux anti-vibrations, tel le RDC (resonance deaden component), dans la composition duquel entrent des caoutchoux de recyclage de pneumatiques et que Clearlight Audio utilise dans une platine, des pucks, des pieds et des étagéres, ou bien de nouveaux métaux ou céramiques pour leurs membranes.
L'allemand Thiel (aucun rapport avec l'homonyme américain) a ainsi mis au point des membranes en céramique sur base d'alumine. Il en équipe ses enceintes, mais celles du fabricant belge Venture, qui les utilise les mêmes transducteurs lui ravissent la vedette par une finition qui laisse pantois. La ronce de noyer des Excellence, recouverte de pas moins de vingt couches de laque, cache un multiplex de pas moins de 17 feuilles de bouleau... et le reste est à l'avenant...Sous la référence "Reference One", Venture propose un amplificateur monotriode sur base 300B tout aussi splendide. Vu le rendement assez faible des enceintes (88dB) il est possible que ses 20W s'avèrent faiblards, mais, tudieu, quel look, en plus d'une très, très grande transparence!
Amis Wallons, toutefois, ne versez pas dans le triomphalisme: Non seulement Venture est à Brasschaat, mais son concepteur est un chinois d'Indonésie.

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