Franckfort 1998
Entrée de l'Hotel Kempinski (Photos Patrick Uitz)
Avant d'entrer avec vous dans le temple de la Haute-fidélité Allemande, je voudrais dire un immense MERCI à deux internanutes d'allemagne habitués de HAUTE-FIDELITE.com sans qui ce reportage n'aurait pas été possible Il s'agit de JM Willigens et de Patrick Uitz.

JM Willigens nous gratifie d'un compte rendu très détaillé en deux parties traitant d'abord de la HiFi Allemande à proprement parler puis de la représentation française lors de ce Franckfort 98.

Patrick Uitz qui nous a envoyé le support visuel indispensable au voyage. De superbes photos digitales qui donnent l'impression d'y être.

Un GRAND MERCI à tous les deux!

Petits aperçus sur la haute-fidélité en Allemagne (Par JM Willigens):


Pays de grands ingénieurs et grands musiciens, l’Allemagne devrait logiquement avoir une bien plus forte présence sur la scène européenne de la haute-fidélité que tel ou tel de ses voisins, par exemple le Danemark...On en est loin! Ses grands groupes d’électronique ayant disparu sous les coups d’une concurrence japonaise que les barrières de normes n’ont pu contenir, il n’y a guère que ses fabricants de haut-parleurs qui atteignent encore une taille semi-industrielle.

Vous connaissez la classe S de Daimler-Benz. Une des grandes fiertés de ses concepteurs en était le système automatique qui, dès que l’on recule, fait jaillir des ailes arrières deux „bitonniauds“ en forme de courte antenne, de manière que le conducteur constate à peu près où s’arrête son char. Un esprit cartésien et chagrin se demande s’il n’eût pas mieux valu dessiner une carrosserie dont le conducteur distingue les contours...
La haute-fidélité allemande est un peu à cette image et oublie qu’ingénieux n’est pas forcément synonyme de complexité.
L’Allemagne reste donc, vingt ans après 3a et KM en France et en Belgique, le paradis du haut-parleur asservi, couplé chez T&A ou Canton (triodophiles, bouchez-vous les oreilles!) avec un calculateur qui modifie l’asservissement en fonction des défauts de la pièce d’écoute. Elle est le pays de prédilection des filtres complexes, les enceintes à cinq voies et plus n’étant pas rares, et d’amortissements tout aussi tarabustés: Les parois du modèle de pointe d’Audiodata, par ailleurs très agréable à écouter, sont ainsi tapissées de petits sachets remplis de microscopiques billes de plomb, censées éliminer toute résonnance.
Même tendance en matière de transducteurs, où l’on voit régulièrement fleurir des formules originales, mais compliquées („membranes Manger“, transducteurs Walsh). Reconnaissons cependant, d’une part que la ténacité germanique en obtient parfois à la longue des résultats intéressants, et d’autre part que c’est gràce au soutien de Magnat et MB Quart que deux inventions révolutionnaires du français Siegfried Klein ont pu être commercialisées (à faible échelle, il est vrai): Le HP à magnétostriction et le tweeter ionique „Corona“, dont l’unique défaut, à côté de son faible rendement, était sa production d’ozone...

Il n’est pas inutile de mentionner que les deux principales revues spécialisées en Hi-Fi sont inféodées à une maison d’édition automobile. Cela ne se constate pas seulement dans les comptes-rendus d’écoute, où revient régulièrement le terme de „bolide“ pour qualifier un ampli, mais aussi par une forte similitude dans les hiérarchies de critères: La primauté souvent donnée par les jurys allemands à la finition du tableau de bord plutot qu’au confort de suspension (ce qui valait par exemple aux Citroen de se voir systématiquement déclassées pour cause de clignotant non standard) se retrouve ainsi en hi-fi, où les monstres chromés du berlinois Burmester précèdent régulièrement des matériels étrangers aux qualités sonores pourtant plus affirmées.
Un autre facteur a longtemps primé sur la qualité sonore: Les toutes puissantes normes édictées par les PTT ou l’institut Allemand de Hi-Fi, qui vient d’ailleurs de se saborder. Tandis que les uns imposaient par exemple une castration de la sensibilité d’entrée des amplis (pour éviter un accrochage sur des fréquences radio!), l’autre, sous la pression des industriels, galvaudait la norme DIN en tolérant pour certaines catégories d’appareils, particulièrement les magnétocassettes, des niveaux de performance honteusement inférieurs.
En revanche, on vérifiait, avec une attention d’autant plus pointilleuse s’il s’agissait de matériels étrangers, la présence et la conformité d’éléments parfaitement inutiles -par exemple les correcteurs physiologiques („loudness“)- avec l’étalon de la norme.
C’est peut-être cette fixation qui fut à l’origine du son dit „du Taunus“ (où en étaient implantés les protagonistes Braun et Canton), relevé en bas en en haut, généralement métallique et parfois à la limite du criard.

Il est amusant de relever que cette dictature de la norme est désormais complétée par celle du „Zeitgeist“ et du „politiquement correct“, la publicité de certaines enceintes faisant ainsi état de leur caractère biodégradable ou recyclable, et celles de certains amplis (donnés pour 1,2 kW sous 2 ohms) de leurs circuits économiseurs d’énergie: De quoi faire doucement rigoler un Nelson Pass, dont les Aleph consomment tranquilement leur demi-kilowatt au repos!

Bien que les grands groupes, dont un Telefunken à forte capacité d’innovation, aient soit disparu, soit abandonné la hi-fi, la haute-fidélité allemande conserve quelques points forts: Elle dispose toujours d’excellent mécaniciens, non seulement chez les germano-suisses Thorens et Revox, mais aussi dans les sections platines et têtes de lecture de Transrotor, Clearaudio ou Symphonic Line. Tous ses artisans sont d’autre part soucieux de la qualité de design et fabrication, aucun n’économisant sur les raccords (généralement du WBT), ni les potentiomètres ou les relais, la fiabilité étant en conséquence. De même, la distribution est disciplinée, le service généralement impeccable et les produits „suivis“ sur de longues périodes. Lorsque, pour des raisons de coûts, il est fait appel à des composants étrangers, comme les platines ProJect, un strict contrôle de qualité évite les mauvaises surprises.

Le marché étant plus large qu’en France, il offre des niches plus confortables pour des „chapelles technologiques“ ou des philosophies d’écoute: Le distributeur germano-suisse Reson semble ainsi avoir trouvé une clientèle fidéle pour une gamme de produits qui inclut par exemple, outre des platines analogiques et têtes de lecture propres, des électroniques Crimson, et les enceintes Redheko. Un autre constructeur (Fischer & Fischer) propose exclusivement des enceintes en ardoise, imité récemment par des modéles en pierre naturelle ou de synthèse.


Les français ne sont pas mal représentés: A coté de Cabasse, très apprécié et bien noté depuis un quart de siècle, les platines Verdier et Audioméca, les ensembles à tubes Jadis et, depuis peu, les CD Helios et Micromega ont un taux de pénétration flatteur, les amps et préamps Hiraga sont recherchés sur le marché de l’occasion. Le retour au haut-rendement et à la triode semble cependant moins avancé qu’en France: Réticences du consommateur allemand devant des ébénisteries qui tiennent encore beaucoup du bricolage?

Bref ABC des firmes...(L’opinion personnelle de l’auteur en italiques)

A Capella: Design extravagant, avec des composants aux chassis creusés dans des lingots d’aluminium. Un des pionniers des ensembles à pavillon. Un peu trop cor de chasse à mon gout

ALR Jordan: Coopère avec le „grand ancien“ E.E. Jordan (de Jordan Watts) et a perfectionné sa technique de membranes en aluminium. Large gamme grand public et hauts de gamme point trop typés

ASR (Schäfer): lignes d’électroniques lourdes „Emitter“, avec une option à alimentation par accumulateurs. Ce n’est pas très cher vu la débauche de composants ( 862000 microF de capacités, 56 diodes de redressement dans l’alimentation, 20 MosFets de 150W chacun...).

ASW: Enceintes, plutot grand public

Audiodata: Les enceintes ne brillent pas seulement par leurs noms français (Bijou, Filou), mais par une belle image sonore. Les billes de plomb semblent fonctionner, le grave est ample et bien contrôlé

Audiolabor: gammes de composants électroniques minimalistes d’excellente réputation, en particulier leur pre-amp et pre-pre. La nouvelle gamme gagne en puissance, mais perd en originalité de dessin, avec écrans de contrôle vert glauque en façade.


Audionet: Un des pionniers allemands de la renaissance du tube.

Audio Physic:: Gamme d’enceintes très voisines des Audiodata, avec le même boomer sur le côté d’une caisse deux fois plus profonde que large et sensiblement inclinée vers l’arrière. Le haut de gamme (enceintes Caldera) égale les plus grandes

AVM:: Electroniques d’amplification

Backes & Muller: L’asservissement des HP, perfectionné depuis vingt ans.

Burmester: Le design en impose, avec chromes partout, les prix assomment, mais le son n’est pas tout à fait à la hauteur de l’image.

Brinkmann: Excellentes électroniques

Camtech: Ligne d’électroniques et CD, en partie basée sur des modèles anglais améliorés

Canton: Le „son du Taunus“. Trop de tonus dans les aigus.

Clearaudio: Mini-conglomérat élitiste, qui fait produire les bras tangentiels „Souther“ et de remarquables mais très chères cellules

Ecouton: Large gamme d’enceintes

Einstein: Electroniques minimalistes et très neutres pour audiophiles puristes.

Elac (LA/Linear Acoustic): Ce nom recouvre une très longue tradition d’électro-acoustique civile et militaire. LA la continue avec d’excellentes mini-enceintes et des architectures à lampes sous un design high-tech.

Fischer & Fischer: Le spécialiste du coffret d’enceinte en ardoise, mais le reste semble assez conventionnel.

German Physiks: L’usine à gaz (enceintes), avec un transducteur à cône Walsh remis au goût du jour, mais sans arriver à se passer de HP conventionnels dans les basses. Il y a mieux en plus simple

Hans Deutsch : Combinait depuis vingt ans diverses formes d’évents et déflecteurs, sans arriver aux sommets, la nouvelle gamme revient au conventionnel.

HECO: Même commentaire que pour Canton.

HGP: Relativement nouveau, Enceintes d’excellente réputation

Isophon: Un grand classique qui redémarre, ses très grosses enceintes (Vertigo) déménagent. Des basses à décoller le linoleum du plancher, mais manque d’homogénéité.

LUA: Enceintes

Magnat: Longtemps très boum-boum. Il parait que le haut de gamme s’est amélioré

Manger: Transducteurs exotiques. Son très doux et pur, mais très difficile à marier à un coffret

MB Quart: Enceintes

MBL: Un autre producteur de très grosses et encombrantes électroniques. Moins neutres que Mark Levinson. Grosses enceintes omnidirectionnelles utilisant des transducteurs spécifiques à pétales dans le medium aigu, qui est très bon, mais dures avec les amplis

Octave: Son ampli à lampe est trés bon, le préampli „Jubilee“, plus récent et très cher (110 KF, mais la moitié de la façade est en marbre!) est donné comme exceptionnel

Phonosophie
Spécialiste du tuning, par exemple de platines et cellules

Quadral
Son haut de gamme à ligne de transmission (Titan) arrive à fournir un niveau de grave impressionnnant et assez naturel

Restek électroniques

Symphonic Line
De trés bonnes électroniques et quelques modèles de cellules fantastiques

T&A
Une gamme complète sous un design austère qui rappelle Braun. Le son aussi, malheureusement assez sec

Transrotor
Large gamme de platines design (plexiglas) de haut niveau

Thorens
Connu de toute éternité pour ses platines, encore que l’on ne soit pas encore revenu à la grande époque d’une TD 125 (sinon par la société soeur EMT). Une nouvelle équipe a introduit une gamme d’électroniques en boitiers mini, très complète et intéressante
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