Kempinski hotel
Francfort: Le High End 2001 Par Jean Marie Willigens

L'exposition du High End fonctionne avec la quasi-perfection que donnent expérience et routine. Enfin, presque, car si on ne remarquait plus les files d'antan devant les toilettes, si l'approvisionnement en nourritures terrestres était assuré à tous les étages du Kempinski, pour les goinfres à qui cacahuètes et petits fours servis sur certains stands n'auraient pas suffi, les navettes entre le parking du cinéma drive-in et l'hôtel, elles, c'était à peu près peau de balle. Il faisait beau, c'était pas trop loin, ne nous plaignons pas trop.

J'ai fait l'impasse sur une conférence de presse non dénuée d'intérêt, puisqu'il y était question de l'avenir de la radiodiffusion et de son passage au numérique, mais ce n'est qu'à ce prix que je me suis retrouvé, à peu près à l'heure de la fermeture, au dernier coin du dernier couloir du dernier étage, après avoir coché tous les stands, sauf ceux clos quand je suis passé (p.ex. Ensemble, ce que je regrette, mais si MMW vous dit que c'était bon, croyez le!).
Cet exploit n'était réalisable qu'en évitant les chambres où scintillait un écran de projection et celles manifestement réservées exclusivement aux cables et accessoires du même acabit. On me pardonnera...
Passons vite sur la majorité des grands. Vite, parce que leurs bataillons de jeunes couillons en trois pièces et cravatte jaune, et un certain nombre de leurs aînés, se faisaient plus remarquer par leur bêtise hautaine que par leur efficacité à mettre en oeuvre les matos (tâche difficile je le concède et dont je serais personnellement incapable, mais moi je ne distribue pas de matos hi-fi), ou à trouver en moins de dix minutes le prospectus adéquat. Vite, aussi parce qu'il y a d'autres occasions, bien meilleures, de découvrir leurs produits.
Citons cependant, parmi les démos particulièrement ratées, celle de Naim; celle de Linn était un peu mieux, avec un ensemble à cinq voies alimentées par deux colonnes d'autant de Klimax, jouant certes dans une pièce bien plus grande et pouvant donc développer une forte puissance, mais manquant singulièrement de piqué et ciselé. Et celle de B&W n'était pas beaucoup mieux non plus, sinon par le choix des morceaux joués.
Après les Prodigy décevantes l'an dernier derrière du Krell, Martin Logan présentait les "Odissey" légèrement plus petites, avec des amplis MF Nuvistar. Le raccord du boomer pose toujours problème, ainsi qu'un grain légèrement rugueux, mais ça n'était pas ridicule...pour autant qu'on n'était pas passé chez Soundlab avant.
Krell n'était pas loin, et impressionnait par un look de tons d'alu plus clairs. Je crois d'ailleurs que rien n'était branché, il était donc difficile d'impressionner par autre chose. C'est la série KAV. Je repasserai quand ils seront arrivés au modèle A20.
En suivant les couloirs, découvert un nouvel exposant, Danish Physics, avec une grosse trois voies aux mediums en Appolito et deux boomers en dessous, le tout sur électroniques Gryphon. Légérement claires, mais un beau bas médium. Jeter une oreille, si ces transfuges de Dali poussent jusqu'en France.
Pas loin, Black Forest Audio, avec des tubes Kron et une présence française de notre distingué tubiste du grand ouest parisien C.B. Il y avait du Silvaweld dans un coin, et un Hélios Stargate, mais l'enceinte sur base Fertin, c'était pas ça, trop dur et acide. Etonnant, parce que dans la deuxième salle de BFA un montage de HP Fertin très voisins, montés sur baffle-plan-paravent rendait comparativement beaucoup mieux, malgré une source (Hélios 1) plus modeste.

Après notre tubiste de l'Ouest venaient les tubistes de l'Est. Non pas ceux exilés depuis longtemps avec pour tout bagage des schémas de montage à moitié couverts par le secret militaire soviétique, d'ailleurs M. Shushirin (Lamm) n'était pas là cette année, ni M. Khomenko (BAT), mais ceux restés à l'Est et avec qui il devient "fashionable" de coopérer. Les gens de Geithahn, restés au moins par leur merveilleux accent saxon de purs "ossis", et pourtant plutôt portés sur le transistor pour driver leurs enceintes monitors actives, hébergeaient ainsi une nouvelle équipe de lampistes slovaques ou tchèques, celle de JJ, constituée de transfuges de Tesla. ( www.jj-electronics.sk ). Et les suédois de Past Audio ont récupéré quelques spécialistes russes et leurs 6b4f ou 6n30PDR pour développer une ligne d'amplification à tubes proposées sous un carrossage intéressant (voir photo www.pastaudio.com) ).
M. Lazlo Salay, lui, n'a pas eu besoin de tubes pour faire chanter ses amplis Etalon. Cette année il présentait, enfin, des enceintes pour aller avec, avec une indéniable recherche esthétique. Ses "Optimo" de la série "Musicante" m'ont laissé une excellente impression d'un duo de Mozart joué par Perahia et Lupu.
(voir photo).
Après ce dépaysement, je tombe sur une enceinte Ocellia Kedros sur base Phy coax, qui me semble mieux rendre que l'une ou l'autre cousine entrevue au détour des couloirs, et, à tout le moins, que le premier montage Fertin de BFA. On va quérir le "monsieur qui sait", dont l'anglais s'avère enjolivé d'un ineffable accent gascon. C'est un français! Il est du Gers!! il a étudié au lycée Saint Cricq de Pau!!! et il fait de très belles enceintes autour des transducteurs Sallabert...Il a choisi une très belle marque aussi, Acoustique et Lutherie. Comme Choukroun, il a le téléphone, que je vous donne: 05 62 69 00 10

Phy, et Fertin n'étaient pas les seuls. Il y avait bien sûr aussi Lowther, sur, par exemple, des Beauhorn magnifiquement finis, et j'ai relevé avec intérêt la présence de modules Jordan Watts à membrane métallique sur au moins trois ou quatre modéles d'autant de marques différentes (p.ex. Ikon-Akustik) . Et ils ne sonnaient pas mal du tout, ces modules "semi- large bande" datant au moins d'il y a trente ans (avec, à l'époque, une suspension en cuir! On m'a dit que l'ESB avait contraint à lui trouver un ersatz). Et relevé avec encore plus d'intérêt, la présence de tweeters Corona ioniques, pourtant difficiles de mise en oeuvre, dans les enceintes de deux nouveaux constructeurs allemands, dont le "Ingenieurbüro Lansche" de Constance. On voyait aussi pas mal de transducteurs Heil. Et, de ci de là, un Manger

Si Francfort était donc un peu le Salon de la redécouverte de principes de HP parfois anciens, c'était aussi celui de l'acceptation tacite du vinyle comme "source de plein droit", confirmant sa résurrection après plusieurs salons de prosélytisme parfois très virulent. Si tout le monde n'avait pas de vinyle en étagères, au moins la moitié en disposaient comme source pour leur démonstration...et beaucoup l'utilisaient. Les bras Rega dominaient assez largement, pour de simples raisons de rapport qualité/prix, je le suppose, mais dans les catégories de prix moins terre à terre on retrouvait les beaux et chers classiques de Wheaton, Graham Moersch et SME, le nouveau Brinkmann enfin disponible en version de série, pour remplacer les Breuer et un très beau bras de Frank Schröder (voir photo). En revanche le choix ne s'agrandit guère en matière de cellules et leurs prix, pour une raison qui m'échappe car je ne vois guère de corrélation, semblent indexés sur ceux du pétrole. Chez Van den Hul, on démarre désormais vers 5000F, et on ne s'arrête qu'à 4500 euros.

Si Monsieur Räke (Transrotor) fêtait ses trente ans de platinier (ou platiniste ?) avec une exposition d'au moins un douzaine de ses très élégant modèles, on pouvait s'étonner de pouvoir fêter un autre anniversaire, de vingt ans, celui là, chez un amplificatier (ou amplificatiste ?), Monsieur Schäfer. Son "Emitter" est disponible depuis 1981!
Friedrich Schäfer n'a pas été avare de ses minutes pour me conter son aventure, démarrée avec son partenaire Rompf sous la marque ASR: L'Emitter est et est resté un intégré à partie préampli passive, il fut, dès le onzième exemplaire (!) doté d'une alimentation séparée. Il a été progressivement mis à jour sans vraiment changer d'aspect (un boitier de plexiglas fumé flanqué de deux gros radiateurs et trois gros boutons en façade), essentiellement pour améliorer qualité et stabilité de l'alimentation. Chaque étage de la partie ampli en a désormais une dédiée, celle de l'étage d'entrée étant depuis quatre ans sur batteries, des diodes Schottky particuliérement rapides sont utilisées sur les autres, pour réduire "certains phénomènes de parasitage haute et trés haute fréquence par le secteur". Un prototype d'une nouvelle série alimentée entiérement par batteries est en validation, mais il faudra résoudre avant sa sortie le problème de place que posent les trop grosses capacités requises pour pallier l'inertie des accumulateurs.
J'ai dit à monsieur Schäfer que quand ça tiendra dans une voiture, il faudra qu'il emmène son bébé à Clamart. Cela ne m'étonnerait pas que lui et un certain PJ aient des choses à se raconter...
Les Emitter ont une image sonore très ronde, très "anglaise", au bon sens du terme, avec une grande fermeté dans tous les registres.

Monsieur Schäfer est le doyen d'une communauté d'amplificatiers allemands qui m'a semblé ne pas trop mal se porter, avec des produits sérieux et toujours bien finis, même si les designs ont perdu en exubérance. Citons Brinkmann, bien sûr, les plus beaux et sans doute toujours parmi les meilleurs, mais aussi Audionet, Tessendorf, AMP, Einstein, Octave et Lua, ces deux derniers se profilant comme les "Brinkmann du tube" et un nouveau dont le nom est tout un programme: Erste Frankfurter Röhrenmanufaktur .

Au rayon des ESL, Soundlab exposait cette année un modèle moins encombrant que l'année précédente, mais dont la musicalité m'a trop pris pour que j'en retienne le nom, la porte d'Audiostatic était close (c'était vers l'heure du déjeuner, un ESListe ça bouffe autant que ses transducteurs!). Et surtout j'ai découvert un stand de Quad assez fascinant: C'est que, comme la mise au point du successeur de 63 lui fait jouer à l'arlésienne depuis trois à quatre ans, les gens de Quad Allemagne se sont lancés pour s'occuper dans le reconditionnement. Apportez leur un lambeau de membrane de plus de trois centimètres carrés et au moins 20 g de bois du chassis et ils vous livreront un 57 ou un 63, voire un Braun LE1, ce très beau clone de 57 au design de l'école d'Ulm, quasiment remis à neuf, ainsi que n'importe quel ampli ou tuner Quad de la grande époque. Ce nest pas donné, compter entre 2,5 et 5 keuros. Ils traitent aussi les panneaux Stax, ce qui devrait s'avérer bien moins cher car avec 76 dB de rendement vous n'aurez aucun mal à vous faire sponsoriser par EdF: www.Quad-Musik.de

Bon, j'ai pas que ça à faire, alors la suite au galop, et en faisant l'impasse sur les marques déjà mentionnées les années précédentes. J'ai aussi relevé:

47 laboratory, du nippon Junji Kimura, encore un qui cherche à faire sonner le CD comme du vinyle.Son transport est nommé Flatfish, il est très beau, ce qui a fait murmurer à mon voisin "vhat eu fair fish" et faillit déclencher un pugilat avec le wallon d'à côté. Ils proposent un Phonocube accompagné d'une alime toute ronde, pour les cellules Miyabi de leur copain Takeda, et un ampli à totors, tout rond encore, offrant un trajet signal total de 32 mm (???).
www.konus-audio.com
Les Tannoy Dimension (modèle TD12), qui font furieusement penser à des BW au point de vue look et dont l'image sonore impressionne. A réécouter!
La petite Avantgarde solo, qui économise de la place (enfin, tout est relatif, disons qu'elle en prend moins que ses grandes soeurs), gràce à un coax de trompes. A réécouter aussi, les défauts semblaient dûs à la pièce.
Un modèle Verity plus petit que celui montre au CNIT, drivé par un gros Lamm. Ah, le Lamm derrière du Verity! On dépasse sans peine le quatre vingt douze!
Toujours un bonheur que de réécouter les Shahinian, mais le bonhomme n'était pas là
Rencontré le copain Steve Roechlin, bardé de caméras. Le mec est un pro, il a l'oreille d'or. Pour un compte-rendu complet, avec tous les rapports d'écoute de cables, jetez un coup d'oeil sur son site,

enjoy the music.

Ce qui sera aussi ma conclusion...

Quelques images

Ampli Emitter
Ampli JJ 828
Avantgarde Solo
Beauhorn
Bras Graham
Bras Schroeder
Bras Triplanar
Enceinte Ascend (Mise en phase mécanique)
Stand Etalon
Platine Ghirardischi
Merci à Jean Marie pour ce compte rendu avec photos.!