Variations

Il y a longtemps, alors que la Revue du Son présentait une installation d'audiophile japonais déshabillant sa DL103 (en lui enlevant son habillage externe) il me vint l'idée d'en faire autant. L'opération était sensée réduire les vibrations du capot et de la cavité crée lorsque la cellule est fermée.
Malheureusement, dès le capot de ma malheureuse DL103 décollé et soulevé, le cantilever fut brisé en deux.
Horreur, je venais de casser ma précieuse Denon...

Naturellement, lorsque qu'on se retrouve avec un tube coupé en deux et que l'on veut réparer, le premier reflex est de chercher un petit barreau de quelque chose dont le diamètre externe viendrait parfaitement épouser le diamètre interne du cantilever pour servir de pièce "raccord". Je me mis au travail et, une fois les deux parties rejointes je me dis que ça pourrait faire l'objet d'une prestation offerte à mes cleints et me mis en quête d'outillage sérieux pour péréniser ce petit business.

C'est chez l'opticien, par l'achat d'un binoculaire, que tout à commençé

Sans m'en rendre compte, je venais de mettre le doigt dans un engrenage infernal qui devait me "coincer" pendant 4 années... Du binoculaire aux micro-pinces amagnétiques et à la micro-fraiseuse il n'y a que quelques pas et j'en franchis ainsi de nombreux pour me retrouver avec plus de 50 000 francs de matériel et d'outillage.
Tout ne fut pas financé sur mes deniers, cet "accident" allait même devenir pour le magasin que nous animions, mon associé de l'époque et moi, la source de revenus intéressants.
Cette première cellule placée sous le binoculaire allait me montrer un tas de petites choses améliorable, résultats probables de compromis d'industrialisation, toutes ces imperfections pouvaient facilement être reprises. Le grossissement apporté par le binoculaire, surtout lui, m'invita à poser le bout de la pince dans les entrailles de mes premières cellules.

J'ai commencé par recoller les stylets cassés de mes clients en utilisant de la corde à piano miniature qui devait, un peu plus tard, laisser place à un fil de carbone. Je fis ainsi quelques heureux. Au cours de ces réparations je raccourcissais le stylet porte pointe et cette modification devait se révéler musicalement profitable, surtout lorsque le matériau constitutif du stylet d'origine offrait un peu de compliance (alu).

La dextérité acquise au fil du temps me fit proposer au clients du magasin, outre la réparation de leurs cellules accidentées, quelques modifications visant à les améliorer un peu. J'en fis des dizaines et des dizaines. Cette période fut instructive car j'ai ainsi eu l'occasion d'observer des tas de montages et de solutions mécaniques ou électriques développés par les différents fabricants, nombreux en ces années 80.

L’un des écueils du re-collage était l’alignement aussi, j’avais mis au point un système de projection (sur le mur) qui agrandissait les pièces à coller et ne réalisais le collage que lorsque les pièces étaient parfaitement alignées.
Par la suite, je proposais systématiquement, dès l’achat d’une cellule neuve, ce type de modification car ayant toujours à portée de main une platine avec bras à embout détachable et deux cellules dont une était modifiée et l’autre pas, il était alors aisé de démontrer l’apport des modifications. Plusieurs phénomènes devaient en être la cause dont certains pas bien évalués puisque je faisais tout par intuition, comblement de la cavité du stylet, rigidification de l’ensemble porte pointe, action amortissant de la colle, etc.
En parlant de colle, des dizaines d’essais sur ces dernières, des cyanoacrylates, pour trouver celle qui collerait après positionnement des pièces en pénétrant par capillarité sans nouvelle manipulation et sans créer de pellicule molle entre les pièces collées. Cette colle extrêmement fluide se trouvait chez Loctite.


Commençant à comprendre l’objet « cellule », après plus d’une année de petits bricolages (et quelques casses quand même) je me dis qu’il étai temps de modifier l’objet plus en profondeur.

J’entamais la deuxième partie de cette période et c’est là qu’entra en action la micro-fraiseuse, c’est d’ailleurs à cette époque que je l’ai achetée car je m’était mis en tête de réduire la taille de l’entrefer ou évoluait la bobine affin d’augmenter le niveau de sortie de la cellule. J’allais pouvoir, par la même occasion, puisqu’il fallait mettre la cellule en pièces détachée, pouvoir parfaitement centrer les bobines dand le champs magnétiques et replacer toutes les colles d’origine par des colles sans effet pelliculaire.

J’ai rencontré, à ce moment, mon premier GROS écueil. Pour éclater la cellule, il fallait dessouder les fils des bobines mobiles pour libérer l’ensemble mobile du corps de la cellule. Seulement voilà, les fils émaillés des bobines des DL103 font 13 microns de diamètre…
Là il faut oublier le fer à souder tel qu’on le connaît et chercher d’autres solutions. Ce fut une période noire, plus d’une dizaine de cellules détruites. Au début, sur les premières cellules (qui devaient se transformer en cadavre de travail et d’étude), dès que je tentais une soudure par micro-fer et même à basse température, le fil collait à la pane du fer et finissait par se désagréger sous la chaleur. J’ai aussi (par des gestes « démesurés ») coupé des fils au raz des bobines les condamnant à jamais. Finalement c’est par l’air chaud que je fis les soudures en utilisant le souffle à la sortie de la buse pour plaquer le fil. J’arrivais désormais à dessouder et souder les fils de la bobine.
Depuis ce moment, la cellule a fait de gros progrès, gardant toujours une oreille sur l’original et comparant sans cesse aux monstres sacrés.
Voici, sur une image d’une cellule full modifiée (malheureusement cassé), l’ensemble des modifications pratiquées.

-


Un ami, Bernard Tournu, qui participait à toutes les écoutes, s'était porté acquéreur d'une cellule à chaque étape. Il me les a confiées pour ce petit reportage. Je tiens, ici, à le remercier

Voici sa boite à cellules:


Les débuts, la pièce de soutien est d'origine mais un petit barreau rigidifie l'ensemble.

.
Parfois, à cause des enfants, le capot était remis en place après modification.


Tout noyé, avant peinture puis après. (solution sans retour...)


Toujour noyée mais le stylet raccourci est remplacé par le VDH. (meilleur!)

Voilà, j'espère que ce petit reportage vous a plu.
Je ne pratique plus, je n'ai plus le matériel, abandonné à mon associé lors de la séparation (tumultueuse) en 1989.
Je ne pense plus être en mesure de faire çà. La cellule définitive nécessitait plus de 100 heures de travail (hors temps de séchages divers)
Le modèle "légendé" a été vendu à plus 100 exemplaires, (telle qu'il est sur la photo) remplaçant, chez de nombreux audiophiles, de très fameuses cellules.
l'arrivée de la première ClearAudio m'a fait arrêter.

La ClearAudio était très novatrice (révolutionnaire) dans sa conception puisque la coque de la cellule était pleine, en résine et autoporteuse avec platine support en métal. L'amortissement était (est) réalisé par les structures et fixations mêmes du stylet, les bobines étaient bobinées longitudinalement autour d'une partie du stylet baignant dans un champs magnétique parfaitement régulier. Le stylet lui même servant de noyau aux bobines! (gain de poids)
Un réglage complémentaire (visqueux) de l'amortissement devant se faire au niveau du pivot du bras.

Avant, et souvent dans les marques connues, les bobines étaient perpendiculaire à l'axe de la cellule et étaient plaquées contre une des pièces de champ. L'amortissement final étant déterminé une fois pour toutes (par le constructeur) par la force de pression de la bobine contre l'elastomère . (pas d'adaptation possible en fonction du bras)

Ce type de construction (DL103) faisait que la bobine était rarement au centre de l'entrefer. L'une des modifications que j'apportais avait pour but de centrer la bobine dans l'entrefer tout en en augmentant sa puissance par le rapprochement des pièces de champ. (déjà dit)

Concernant les cellules à bobines mobiles, et sans prétendre les connaitre toutes, loin de là, nombreuses sont fabriquées sur le modèle de la DL103 notamment les EMT, les SUPEX, les ORTOFON, les KOETSU, les DYNAVECTOR, et de nombreuses autres ...

EMT avait la particularité de cercler l'élastomère d'une petite baque de Bakélite. cette astuce permettait d'utiliser un élastomère plus mou mais dont on controlait l'écrasement avec la bague en Bakélite. Il en résultait une plus grande liberté de mouvements aux petits signaux.

Les plus malines (de mon point de vue), outre la ClearAudio, sont les SATIN (avec des bobines/rubans servant en même temps de suspension de l'équipage mobile et surtout la DECCA qui n'avait pas du tout de de stylet porte pointe!!)

A bientôt.